LA RÉ-SANCTIFICATION

LA RÉ-SANCTIFICATION ET LA RÉ-SACRALISATION DE LA FOI DANS LA SAINTE-ÉGLISE : UN FACTEUR CRUCIAL DANS LA SURVIVANCE DE LA NATION
Je me suis laissé transporté par un songe en cet après-midi grisâtre du mois de mai, dédié à Marie, la Sainte-Vierge et source par excellence d’intercession auprès du Seigneur. Je pensais, de mon bastion canadien-anglais à Port Colborne, Ontario, dans la pittoresque péninsule du Niagara, que le Canada, à la fois Anglais et Français, et nos amis qui habitent au sud de notre territoire, étaient bel et bien ‘mal amanchés’, comme on le dit si bien ‘en bon québécois.’

Je dis ceci parce que les populations du Nord-Est et du Midwest Américain de même que celles situées dans le corridor Québec-Windsor ont été dévastées depuis les derniers 20 ans à peu près par des changements dans le climat économique occasionnés par certains facteurs : la mondialisation des marchés, le climat généralement antiétatique et anti-syndicaliste qui prévaut en Occident depuis la chute du Mur de Berlin, et la chute subséquente de l’URSS et du Communisme. Tous ces événements ont pu nous laisser avec l’impression que nous pourrions aboutir à un ‘dividende de paix’, et que toutes les caractéristiques de la vie démocratique viendraient envahir les sociétés comme de l’eau fraîche de la montagne qui descend vers la vallée : élections libres, règle de droit, primauté du droit, liberté de presse, etc.

Or, dans les faits, cette impression ou cette hypothèse ne s’est malheureusement pas matérialisée… Au fond, ce que l’on constate de nos jours, c’est bien davantage la présence de plus en plus importante dans différentes régions de la planète de conflits de toutes sortes : religieux, ethniques, raciaux, ou encore de ‘culture Kampf’ (lutte de cultures entre civilisations ou regroupements socio-culturels situés à des extrémités). Ce que l’on constate également, ce sont des luttes acharnées entre divers regroupements socio-économiques où l’on observe des rapports de force marqués par de grandes inégalités. Des inégalités souvent occultées par des différences relatives à la langue, à la culture, à la race, à l’ethnie, et même à la religion.

Cela dit, je veux maintenant aborder avec vous la situation qui prévaut actuellement au Canada, et plus spécifiquement à celle du Québec. À mon avis, les origines du mouvement souverainiste québécois ne proviennent pas exclusivement de la présence d’un souverain issu d’un autre pays que le nôtre, soit la Grande-Bretagne. Ces origines, il faut plutôt les chercher dans le nouveau régime politico-économique qui n’est pas parvenu à assurer le mieux-être temporel de notre nation. On peut penser également que ce régime a peut-être négligé de mettre tous les efforts requis pour parvenir à atteindre cet objectif. Par ailleurs, ce régime était pourtant parvenu à matérialiser une alliance mutuellement fructueuse avec la Sainte-Église qui devait, à long terme, assurer le mieux-être spirituel de notre nation. Comment alors s’expliquer qu’il ne soit pas parvenu à voir la nécessité de faire de même sur le plan temporel ? Certains ont attribué ce constat à une stratégie comportant les deux dimensions suivantes : d’une part, ne pas nous éloigner de la simplicité d’une vie axée sur la foi, la prière et le respect des dogmes ; d’autre part, nous éviter une dérive dans les tentations du monde laïque, des plaisirs et du confort matériel.

Aujourd’hui, on ne peut que constater que la stratégie élaborée par les ténors de la Sainte-Église n’a pas vraiment fonctionné au Québec, tant et si bien que nos diocèses et nos communautés religieuses se trouvent dans l’obligation de vendre des actifs pour assurer leur survie : écoles, couvents, terrains, bâtiments, etc. Et je ne peux, hélas, que faire les mêmes constats lorsque j’observe la situation qui prévaut dans le Canada Anglais : consolidations de paroisses, manque de vocations, vieillissement des fidèles, etc. Ce que je retiens, en particulier, c’est le fait que l’on se retrouve de nos jours dans toutes les régions du Canada avec une situation économique caractérisée par un endettement très élevé des gouvernements, une baisse considérable du nombre d’emplois dans le secteur privé et une désindustrialisation incroyable, et ce, malgré des investissements massifs de l’État depuis plusieurs décennies dans des secteurs tels que l’éducation, la santé et les services sociaux. Une désindustrialisation incroyable qui s’est matérialisée surtout à partir de la récession de 1990-92, et ce, malgré les diverses tentatives de nos gouvernements fédéral et provinciaux pour sauver les industries les moins compétitives. Finalement, c’est ce contexte économique particulier qui devait entraîner une détérioration de notre bien-être temporel.

Pour ce qui est maintenant de notre bien-être spirituel, qu’avons-nous fait au juste pour le préserver ? Lorsque l’on examine attentivement la situation qui prévaut de nos jours dans notre société, on s’aperçoit que la plupart des gens au Québec ont choisi de tourner progressivement le dos à Dieu et à la religion avec l’amélioration de leurs conditions matérielles. Des emplois bien rémunérés, parfois syndiqués, ont rendu possible cette amélioration dans ses diverses manifestations : du logement à l’achat d’une maison, parfois même d’un chalet ; de l’autobus à l’achat d’une automobile ; du quartier ouvrier à la banlieue dans laquelle les maisons unifamiliales sont la norme, etc. Cette période d’amélioration des conditions matérielles correspond, grosso modo, aux décennies 1970 et 1980. Par la suite, avec la première défaite référendaire et les réductions salariales de 20 % dans les secteurs public et parapublic de 1982, il y a eu un véritable déclin de ces conditions matérielles qui ont eu, ni plus ni moins, l’effet d’une douche froide sur l’ensemble de la société québécoise.

Finalement, où en sommes-nous au juste aujourd’hui ? Certes, sur le plan temporel, nous vivons des temps difficiles dans toutes les régions du Canada : endettement des particuliers et des gouvernements, fermetures d’usines, chômage élevé dans les régions éloignées des grands centres urbains, etc. Sur le plan spirituel, un grand nombre de personnes ont cessé toute pratique religieuse et concentrent exclusivement leur attention et leurs énergies à la dimension matérielle de leur existence. Dans un tel contexte, que faire ? À mon avis, seules une ré-sanctification et une ré-sacralisation de la foi dans l’église pourraient sauver notre nation en péril. Encore une fois, sur le plan historique, nous vivons à une période critique pour la survivance de la Nation québécoise. Or, cette survivance, croyez-le ou non, devrait passer également par la survivance du projet de société pancanadien comme entité socio-politique, géopolitique, linguistico-culturelle, socioculturelle, socio-économique et, il convient de se le rappeler, comme entité socioreligieuse.

À ce stade-ci, il convient de faire un bref rappel historique. Souvenons-nous qu’après la Conquête, il y a eu une menace à la Survivance posée par différentes sources : l’immigration en provenance des Îles Britanniques ; l’hostilité de la Couronne envers la langue et la culture françaises ; et un désir généralisé d’engloutir le Bas-Canada par le biais de la croissance démographique. Or, de nos jours, nous sommes confrontés à une menace aussi pernicieuse et insidieuse qu’à cette période de l’histoire, mais elle s’avère beaucoup moins apparente et monolithique que les soi-disant ‘maudits Anglais.’

Au fond, s’il existe une telle menace de nos jours, cela reste attribuable à la carence inhérente à notre statut ou à notre identité de Québécois. Au fait, ça veut dire quoi, au juste, être Québécois aujourd’hui ? De quoi est donc constitué un Québécois ? Est-ce vraiment uniquement une identité linguistico-culturelle laïque et républicaine à la Française ? Est-ce la poutine ? Le hockey ? Michel Louvain ? Ou encore Céline Dion, pour laquelle des milliers de Québécois et de Québécoises n’hésitent pas à consacrer des centaines de dollars afin de pouvoir l’entendre chanter en anglais à Las Vegas…

Ce que je veux signifier, finalement, c’est que cette carence intérieure par rapport à notre propre identité est telle que l’on est alors moins capable ou habile à se défendre contre les avances, les tentations, ou les menaces de toutes sortes qui se manifestent dans notre existence : matérielle, sociale, culturelle, religieuse, etc. Une identité qui a perdu ses valeurs fondamentales au fil des décennies et qui ne repose plus que sur l’amélioration d’un confort matériel : travail bien rémunéré, grande maison bien meublée, automobile performante, gros fonds de pension, etc. En portant leur attention et leurs énergies exclusivement sur cette amélioration, certains ont complètement évacué la foi et les valeurs de leurs ancêtres.

Par contre, d’autres restent plutôt ambivalents par rapport à cette foi et à ces valeurs et hésitent encore à les abandonner complètement afin d’embrasser pleinement les valeurs propres à la laïcité. Ils hésitent à retourner ‘en arrière’ vers le Seigneur, la Sainte-Église et les valeurs fondamentales du catholicisme. Un retour ‘en arrière’ dans une institution caractérisée par sa miséricorde et sa compassion, et dans laquelle ils pourraient trouver, en tout temps, consolation, réconfort et ressourcement. Un retour ‘en arrière’ qui leur permettrait d’être plus solides pour faire face à différents défis qui se présentent de nos jours à tous les Québécois, parmi lesquels le prosélytisme Arabo-Musulman et celui du Christianisme Évangélique Protestant. Or, dans ce dernier cas, on privilégie des valeurs néo-conservatrices américaines qui sont, dans les faits, tout simplement aux antipodes de ce nous préconisons comme peuple depuis plusieurs générations : accès à des services de qualité, pour tous et toutes, dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l’éducation, etc.

Cette ambivalence par rapport à cette foi et à ces valeurs, on pourrait la représenter de la façon suivante. C’est un peu comme la personne qui chevauche une clôture. Elle n’ose pas faire le choix de sauter carrément d’un côté ou de l’autre de cette clôture. Elle demeure immobile sur cette clôture. Elle essaie de toutes les façons de se maintenir en équilibre, mais cela s’avère de plus en plus difficile. Mais elle parvient tout de même à éviter de s’infliger des lésions corporelles irréparables à ses parties génitales, ce qui rend possible la préservation de sa capacité à assurer sa pérennité.

Si la nation québécoise abandonne définitivement la foi et les traditions de ses ancêtres, il ne restera rien pour assurer la préservation de son intégrité spirituelle et morale. En pareil cas, le statut précaire dans lequel cette nation se trouve à la fois au Québec et partout au Canada va vraisemblablement s’aggraver. Dans cette perspective, je suis d’avis que ce ne sont pas ‘les Maudits Anglais’ qui représentent notre plus gros défi, ou ‘ennemi’. Parce que, tout autant que nous, ces ‘Maudits Anglais’ subissent eux aussi les impacts négatifs de la mondialisation de l’économie, de la désindustrialisation, de l’anti-syndicalisme, de l’antiétatisme et de la ‘discipline’ sans merci des marchés de la haute finance.

Notre plus gros défi, en somme, se rapporte à ce que Robert Charlebois a décrit dans une chanson comme ‘notre propre paresse’, notre tendance fataliste à dire : ‘Ben, qu’est-ce que tu veux, c’est de même… hein, on peut rien n’y faire, hein ?’ C’est notre tendance à être résigné à notre sort, que ‘rien va changer’, ou ‘ça donne rien d’essayer de changer les choses, ça marchera jamais….’. Le fait d’avoir de profondes convictions spirituelles peut souvent nous aider à passer à travers des moments difficiles dans notre vie individuelle. De la même façon, sur le plan collectif, ces profondes convictions pourraient également nous aider à réussir notre rétablissement socio-économique.

Si on choisissait de retourner à l’église, comme je l’ai fait moi-même à la suite d’une expérience spirituelle de renouveau très émouvante, nous serions alors collectivement beaucoup mieux équipés pour faire face aux nombreux défis de la vie postmoderne et postindustrielle. Et cette remarque, il convient de le souligner, vaut autant pour la collectivité québécoise que pour la collectivité canadienne. Lorsqu’une collectivité dispose d’un bien-être sur le plan spirituel, elle ne peut qu’entraîner le bien-être des individus de cette collectivité. Comme le Président Kennedy le disait si bien à l’époque : ‘La marée montante fait soulever tous les navires.’ En d’autres mots, le bien-être collectif de la nation ne peut qu’avoir des effets positifs sur le bien-être des individus de cette collectivité. Et ce bien-être doit d’abord se réaliser sur le plan spirituel pour rendre éventuellement possible un bien-être sur le plan temporel.

Après tout, le sacré a toujours coexisté avec le profane dans nos sociétés occidentales. Nous ne pouvons pas vivre dans une société entièrement désacralisée et dé-sanctifiée, où il n’y a plus la moindre trace de la religion pratiquée par nos ancêtres. Une société ne peut pas se contenter de préserver ou de conserver strictement tout ce qui se rapporte à son patrimoine culturel religieux par l’entremise des musées, des archives nationales et des fondations. Une société doit être capable de voir au-delà des églises transformées en centres d’interprétation, ou encore des communautés religieuses transformées en condominiums. Une société doit essayer de se représenter l’importance que pouvait avoir le religieux dans la vie de ses ancêtres.

Dieu et la religion ne devraient pas être relégués au statut d’objets de curiosité socio-culturels, figés dans le temps et mis en valeur dans les musées. Des objets présentés pour les amateurs de ‘culture’ qui pourront explorer avec leur curiosité ce que ‘nos Grands-Parents croyaient’ en ce temps-là. Des objets qui ne seraient rien d’autre que les vestiges d’une période historique révolue, archaïque, et de laquelle, comme peuple, nous avons ‘passé à travers’. En empruntant la fameuse formule ‘thèse/antithèse/synthèse’, nous pourrions dire que cette période fait partie de notre cheminement historique, certes, mais qu’elle a été en quelque sorte ‘dépassée’ par tout ce que les éminents savants de la période des Lumières nous ont apporté : la bienveillante et évidente supériorité de la science, la laïcité, l’humanisme, le Républicanisme, etc.

En fait, il ne convient pas de transformer notre nation et notre fédération dans un immense entrepôt du profane où il ne subsisterait plus la moindre trace de sacré. Il ne convient pas non plus d’exclure totalement le sacré du discours dominant hégémonique, et ce, par crainte ‘d’offusquer des laïcs’, ou encore de ‘parler de choses controversées’ telles que Dieu et la religion. En faisant disparaître complètement le sacré de la vie publique et des médias, nous ne pourrons que favoriser un accroissement des mauvaises influences de toutes sortes auxquelles sont exposés jour après jour les jeunes et les moins jeunes de notre société. Un accroissement qui, concrètement, va se traduire dans des comportements désordonnés de plus en plus nombreux, et dans les difficultés et les risques qui en découlent.

L’expérience de Dieu, de la spiritualité, de la foi et d’une religion s’inscrit dans le domaine de la métaphysique. Cette expérience ne s’explique tout simplement pas par des connaissances d’ordre scientifique : mesure, évaluation, expérimentation, données empiriques, recherche avec des sujets humains, etc. Par conséquent, il est donc impossible de quantifier une expérience d’ordre métaphysique avec des méthodes scientifiques. Ce sont là deux univers complètement distincts. L’expérience de la foi nous demande de faire un ‘saut dans le vide’, qui est le ‘saut de la foi.’ Ici, il y a quelque chose d’ironique à souligner. En effet, il y a également un ‘saut dans le vide’ dans la méthode d’enquête scientifique : on part du connu, et puis on entreprend une recherche vers l’inconnu pour, précisément, en arriver à mieux le connaître et à mieux le définir.

Cela dit, comment est-il encore possible de reprocher quoi que ce soit aux adeptes de la religion et de la foi dans leur quête de l’inconnu à partir du connu ? Ce qui demeurera toujours, d’une certaine façon, occultés ou pas entièrement dévoilés pendant notre passage sur la Terre, ce sont les secrets de l’Éternel et la connaissance totale du Dieu Tout-Puissant. Si cette part de mystère venait à disparaître complètement, nous n’aurions plus le statut d’être humain, libre de croire ou de ne pas croire en une réalité divine qui nous dépasse. Parce que nous sommes à la fois libres et limités, nous sommes appelés à glorifier Dieu et à mieux le connaître par l’entremise de la prière. Et nous sommes également appelés à le servir en nous engageant auprès de nos compatriotes qui partagent avec nous des défis, des limites, des problèmes et des difficultés de toutes sortes. En faisant preuve de solidarité dans nos communautés, nous devenons les témoins de ce Dieu auquel nous croyons et qui donne un sens à nos vies.

Finalement, durant ce mois de mai dédié à la Sainte-Vierge, aussi grisâtre puisse-t-il être aujourd’hui, je souhaite que mes compatriotes se livrent à une saine et bienheureuse réflexion par rapport aux bienfaits relatifs à l’idée qu’ils ne sont pas ‘mal amanchés’ aujourd’hui sur le plan spirituel et religieux. Forts de ce constat, mes compatriotes pourront par la suite mieux se porter garants de notre bien-être temporel sur le plan collectif et, éventuellement, ils pourront faire la même chose sur le plan individuel. Merci. Ainsi soit-il.

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